Synthèse : A l'issue de la seconde lecture
au Sénat de la proposition de loi "relative au devoir
de vigilance des sociétés mères et des entreprises
donneuse d'ordre" le 13/10/2016, la haute assemblée a
finalement adopté le texte dans une version fortement remaniée
par rapport à celui voté par l'Assemblée en mars
dernier (cf. Atmosphère
Internationale de mars 2016). Des changements de fond, à
la fois sur l'objectif et le champ d'application de la proposition,
essentiellement sur l'aspect coercitif de la première mouture,
et qui pourraient bien repousser son entrée en vigueur à
l'exercice 2017.
Le principal amendement inséré par le Sénat est
effectivement la disparition de tout engagement de responsabilité
et l'abandon de réelles sanctions : jugée disproportionnée,
l'amende civile plafonnée à 10 millions EUR a été
purement et simplement supprimée...
Les exigences imposées aux entreprises sont revues à
la baisse : les multinationales auraient pour seule obligation
de publier, certes sous astreinte, un rapport récapitulatif
des principaux risques liés à leurs activités
(droits de lhomme, libertés fondamentales, dommages corporels,
environnementaux et sanitaires, corruption), ainsi que les différentes
mesures de "vigilance raisonnable" pour les détecter
et les prévenir.
Les sénateurs proposent également que la loi ne s'applique
qu'aux sociétés cotées en bourse, employant
au moins 500 salariés permanents, et dont le résultat
de bilan dépasse 20 millions EUR ou 40 millions EUR de CA net
sur deux années consécutives.
Le texte proposé par le Sénat* est loin de faire
l'unanimité, tant auprès des parlementaires de la
majorité que des ONG qui ont d'ores et déjà
annoncé qu'elles ne soutiendraient plus la proposition de
loi si l'aspect "sanctions" devait être retiré.
Une commission mixte paritaire doit être très prochainement
convoquée à la demande du Premier ministre, mais les
positions non consensuelles des deux Chambres ont de grandes chances
de la faire échouer : le texte devra alors retourner à
l'Assemblée nationale, puis de nouveau au Sénat.
Mais ce serait alors la version de l'Assemblée, la plus contraignante,
qui devrait être adoptée avec le soutien du gouvernement
avant la fin de l'exercice parlementaire actuel (fin février
2017).
* Texte officiel à
disposition de nos abonnés sur simple demande.
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Avis de l'expert :
L'objectif avoué des sénateurs a été
de répondre à l'esprit et au texte de la Directive
européenne sur le reporting extra-financier, plus incitative
que punitive, et qui devra obligatoirement être transposée
par la France, comme par tous les autres pays communautaires,
avant le 6 décembre 2016.
Les sénateurs ont donc abandonné leur position
de blocus total adoptée en première lecture (cf.
Atmosphère
Internationale de novembre 2015), au profit d'amendements
issus des travaux de la Commission des lois sur l'intégration
dans le corpus législatif français de la Directive
européenne.
Si la proposition de baisser le seuil du nombre d'employés
et d'y ajouter un critère financier apporte une cohérence
avec la Directive et aboutit à élargir le nombre
d'entreprises concernées, le rejet de toute responsabilisation
sanctionnée par une condamnation (ni pénale, ni
civile) viderait la future loi d'une grande partie de son efficacité.
Elle aboutirait à transformer le texte en une simple
obligation de reporting a posteriori, en lieu
et place d'un plan de vigilance global, dont l'insuffisance
et/ou la mauvaise application engageraient la responsabilité
de l'entreprise et sa condamnation.
Cette obligation de reporting est d'ailleurs déjà
inscrite dans l'article 225 de la loi Grenelle 2 et concerne
les entreprises non cotées à partir de 100 M€
de CA et 500 employés pour les exercices ouverts après
le 31/12/2013.
A l'heure où de nombreux parlements nationaux se penchent
sur ce même sujet (Suisse, Suède, Allemagne
)
et où le groupe de travail intergouvernemental de l'ONU
sur les sociétés transnationales et les droits
de l'homme poursuit les négociations visant à
créer le premier Traité international contraignant
sur le sujet, les regards sont tournés vers le législateur
et le gouvernement français dont les décisions
pourraient donner un coup d'accélérateur à
la protection des droits humains, au respect de l'environnement
et à l'exigence d'éthique dans les supply chains
internationales.
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