Mise à jour au 19/07/16 :
Le S�nat a adopt� par 223 voix contre 2 le projet de loi relatif
� la lutte contre la corruption et la transparence de la vie �conomique
(dite loi Sapin 2) le 8 juillet 2016 : plusieurs modifications
ont été apportées par rapport au texte voté
à l'Assemblée en juin 2016 ( voir
ACTualit� du 19/07/2016).
Synthèse : Le projet de loi Sapin 2,
relatif à la transparence économique, la lutte contre
la corruption et la modernisation de la vie économique, a été
adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale
le 10 juin 2016.
Avec pour objectif déclaré de lutter "contre
la finance qui corrompt" et de sanctionner plus sévèrement
les "dévoiements qui menacent notre modèle économique
et social", le législateur français vient de
valider les bases d'une politique beaucoup plus ambitieuse dans ce
domaine, même si certaines dispositions ont été
allégées par rapport au projet initial. En voici les
principes fondamentaux :
- Statut et protection du lanceur d'alerte
La définition juridique du lanceur d'alerte est maintenant
validée et son périmètre d'action précisé
comme suit : "une personne qui révèle (...)
dans l'intérêt général et de bonne
foi (...) un crime ou un délit, ou des manquements graves
à la loi (...) ou (...) des risques (...) graves pour l'environnement,
la santé ou la sécurité publique".
Il sera placé sous la protection du Défenseur des
Droits qui sera doté de plus de moyens, notamment pour
contribuer aux avances de frais de justice des dénonciateurs
victimes de discrimination au travail et à d'éventuels
dédommagements pour préjudices subis.
Toutefois, à la demande du Gouvernement, sont nommément
exclues du champ d'application les dénonciations portant
atteinte au secret défense, au secret médical ou
encore au secret entre l'avocat et son client.
Les entreprises de plus de 50 salariés devront mettre en
place des "procédures internes appropriées"
pour recueillir les alertes émises par les salariés
en garantissant la confidentialité de la procédure
et l'absence de mesure de représailles. Le texte prévoit
un délit d'entrave à l'alerte, puni au minimum
d'1 an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende.
Par ailleurs, le lanceur d'alerte pourra saisir les Prud'hommes
(privé) ou le Tribunal Administratif (public) pour obtenir
sa réintégration ou le maintien de sa rémunération.
Enfin, un amendement a été voté pour permettre
à des associations de se substituer au lanceur d'alerte
auprès de l'Agence Française Anti-corruption.
- Création de l'Agence Française Anti-corruption
(AFA)
Cet organisme qui remplacera l'actuel SCPC* sera placé
sous l'autorité conjointe du Ministre de la Justice et
de celui du Budget, et bénéficiera de garanties
d'indépendance et d'intégrité.
Outre ses missions d'information et de coordination, son rôle
principal sera de contrôler la mise en place obligatoire
des programmes de prévention de la corruption dans les
entreprises de plus de 500 salariés avec un chiffre d'affaires
supérieur à 100 M€, et dans les établissements
publics industriels et commerciaux.
Une Commission des sanctions pourra infliger une amende plafonnée
à 1 M€ en cas de non-respect des obligations.
- Convention judiciaire d'intérêt public
Réintégrée au projet de loi par les députés
après avoir été retoquée par le Conseil
d'Etat (voir ACTualité
du 31/03/2016), cette forme de transaction pénale héritée
du droit anglosaxon permettra aux entreprises françaises
(personnes morales) soupçonnées de corruption de
"plaider coupable" afin d'éviter un procès.
En contrepartie, elles devront s'acquitter d'une amende plafonnée
à 30% du CA et se soumettre à un programme
de mise en conformité pendant 3 ans.
Le juge sera garant de l'équilibre du dispositif et sa
décision sera partiellement rendue publique.
* Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte
contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,
adopté en 1ère lecture par l'Assemblée nationale
le 14 juin 2016 à disposition de nos abonnés
sur simple demande. |
Avis de l'expert :
Comme nous l'avions évoqué récemment (cf.
Atmosphère Internationale de mai 2016), la loi Sapin
2 est bien partie pour être définitivement adoptée
avant la fin de l'année 2016 !
Cela est rendu possible par une certaine forme de consensus
politique et social exprimé dans le résultat
du vote, notamment sur la nécessité de mieux protéger
les lanceurs d'alerte qui agissent dans l'intérêt
général et dont le rôle a été
souligné lors des récentes affaires "Panama
Papers", "Médiator", "Luxleaks",...
Sanctionner réellement les entreprises et personnes privées
françaises qui se rendent coupables d'actes de corruption
avant qu'elles ne soient éventuellement condamnées
par la justice américaine ou anglaise permet par ailleurs
de rendre à l'Etat français sa souveraineté
judiciaire dans ce domaine.
Mais ce qui rassure les décideurs et chefs d'entreprise
établis dans l'Hexagone, c'est surtout de pouvoir traiter
avec les autorités judiciaires nationales plutôt
que d'essuyer d'éventuels procès extranationaux
comportant un risque d'exposition supplémentaire en
matière notamment de secret industriel.
Les députés l'ont bien compris et ont réintégré
la transaction judiciaire au projet de loi, contre l'avis
du Gouvernement mais avec le soutien de Transparency International,
ONG spécialisée dans la lutte anti-corruption
(cf. Atmosphère
Internationale d'avril 2015).
Le champ d'application des mesures a été validé...
et il y a du pain sur la planche pour les entreprises françaises
!
- Les 1600 grosses entreprises et multinationales concernées
par la mise en place obligatoire d'un programme de prévention
de la corruption peuvent déjà commencer
à travailler sur leur plan de prévention,
en s'appuyant notamment sur les lignes directrices édictées
par l'actuel SCPC (cf. Atmosphère
Internationale de mai 2015) qui devraient servir de
base au règlement d'application à venir.
- Mais les entreprises de plus de 50 salariés ne
sont pas en reste puisque la future loi les contraint à
mettre en place une procédure interne d'alerte,
alors même que la plupart ne se sont jamais intéressées
au sujet de la corruption
Par effet ricochet, ce sont donc toutes les entreprises françaises,
fournisseurs des grands donneurs d'ordre (privés ou publics)
qui devront se doter d'une organisation spécifique pour
prévenir les risques de corruption dans leur organisation
et répondre aux attentes de leurs clients et commanditaires
soumis aux obligations légales. Une contrainte non négligeable,
qui peut toutefois se transformer en avantage concurrentiel
par la promotion et la valorisation de leurs engagements
éthiques (cf.
Atmosphère Internationale d'avril 2016).
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